Rédacteur en chef du Guide de photographie sous-marine NIRUPAM NIGAM est allé plonger dans le golfe du Maine, un plan d'eau historiquement connu comme « le grenier de l'Amérique du Nord » – mais maintenant, comme il le rapporte, il est vide. Il a quand même pris des photos
Enfant, j'ai eu la chance de passer mes étés avec mes grands-parents dans l'État du Maine, au nord-est des États-Unis (aka Pays de vacances).
Cela signifiait des journées chaudes et humides à explorer les phares le long d’une côte accidentée, des orages occasionnels et de nombreux rouleaux de homard. Les marchés aux poissons piquants, avec des gens tout aussi piquants, étaient toujours remplis de crabes, de lotte, d'aiglefin et de homard – parfois pour seulement 4 $ la livre !
Avec leurs montagnes de glace et leur proximité avec la flotte de pêche de l’Atlantique Nord, ces marchés ont une histoire profondément enracinée qui remonte à la colonisation européenne en Amérique du Nord au XVIe siècle – une époque où la morue restait dominante dans le paysage marin.
Mais à mesure que le vent du temps souffle sur les côtes de l'Atlantique Nord, la morue est devenue surexploitée et remplacée par d'autres espèces de moindre importance. En 1992, les populations de morue franche ont atteint 1 % de leurs niveaux historiques, pour ne jamais se rétablir.
Après mon retour dans la région avec une expérience de travail en tant que scientifique halieutique, j'ai commencé à remarquer une tendance intéressante… la distribution du poisson sur les marchés était très différente de celle de mon enfance.
Si vous entrez maintenant dans un marché aux poissons du Maine, vous verrez beaucoup plus d'espèces étrangères ainsi que des poissons dont vous ne vous attendriez jamais à ce qu'ils soient comestibles. Prenez le merle. Le mois dernier, j’ai visité un marché rempli à ras bord de ces créatures osseuses plutôt étranges. Un petit tableau perché à côté de leurs corps glacés indiquait simplement « pour les ragoûts ». De toute évidence, les poissons de choix ont tous disparu depuis.
C'est lors de cette récente aventure en Nouvelle-Angleterre que j'ai été invité à faire une tournée l'Institution océanographique de Woods Hole – un centre de recherche océanique de renommée mondiale et le siège du VMO Alvin.
En discutant avec le scientifique principal du laboratoire d’océanographie des pêches et d’écologie des larves de poissons, j’ai appris quelque chose qui m’a semblé alarmant. Des pêcheries expérimentales s'installaient au large des côtes de la Nouvelle-Angleterre à la recherche de nouvelles zones de pêche dans la zone mésopélagique ou crépusculaire.
C'est à ce moment-là que j'ai compris que la santé des pêcheries de la Nouvelle-Angleterre était définitivement dans une situation désespérée. Les poissons dans la zone crépusculaire sont petits, gluants et rares. Quand j'ai posé la question : « Pourquoi quelqu'un pêcherait-il là-bas ? », j'ai reçu une réponse effrayante : « C'est le prochain endroit pour pêcher une fois que nous aurons tout repêché le long de la côte. Cela n'a pas été très rentable.
Cette révélation m’a donné envie de me mettre, moi et mon appareil photo, sous les eaux froides, grises et capricieuses de l’Atlantique Nord. Je voulais voir par moi-même cet ancien paysage marin avant qu’il ne soit pleinement exploité – un paysage marin qui a soutenu l’Amérique du Nord pendant des siècles.
Après quatre heures de route le long de la côte jusqu'au golfe du Maine et une crise de Covid, j'ai retrouvé deux copains de plongée qui terminaient leurs recherches doctorales à l'Université du Maine.
« N'espérez pas trop, dirent-ils, il n'y a pas grand chose à voir ici. » Lors d’une plongée donnée, m’ont-ils dit, ils n’ont vu que quelques poissons et peut-être un homard. En fait, ils étudiaient ce qui arrive aux populations d'algues une fois que toutes les morues ont été pêchées et que les oursins ont été expédiés vers l'Asie. Apparemment, il ne reste que beaucoup d'algues.
Nous sommes arrivés au Twin Lights State Park à Cape Elizabeth, nos malles remplies de matériel de plongée. Une brise glaciale de l'océan m'a frappé le visage alors que j'ouvrais la portière de ma voiture. J'ai remarqué un vieux phare décrépit sellant une falaise surplombant l'Atlantique. "Ça y est", a dit mon copain, "le site de plongée est sous ce phare."
Heureusement, la houle était calme – un faux pas sur la côte rocheuse aurait pu signifier une chute brutale avec beaucoup d'équipement et un lourd matériel photo.
Après avoir enfilé d'épais sous-vêtements en polaire et des combinaisons étanches, nous sommes entrés dans l'eau froide à 5.5°C et avons progressivement pris le dos vers la mer. En nageant, j'ai remarqué un chapelet de bouées qui suivaient le contour de la côte. L'eau était peu profonde, alors j'ai plongé la tête pour voir des rangées de casiers à homards. Tous étaient vides.
Alors que nous dérivions sur le site de plongée, nous nous sommes donnés le feu vert et sommes descendus dans des profondeurs vertes et troubles. Le terrain rocheux en contrebas formait des crêtes qui s’enfonçaient de plus en plus profondément dans la mer. En suivant l'une de ces crêtes, nous avons nagé en attendant le passage des créatures.
Nous avons nagé et nagé… et nagé. De temps en temps, nous apercevions un petit crabe parmi les lits d'algues ou une méduse flottant dans l'eau. Tuniciers vaseux envahissants (Ciona intestinale) recouvrait les fonds marins. Mais le paysage marin était par ailleurs stérile et un calme étrange s’infiltrait dans l’océan.
Le plus troublant, c’est qu’au cours de notre plongée complète de 70 minutes – longue selon les standards de la plupart des gens – je n’ai vu qu’un seul poisson. C'était un petit chabot sans prétention, bien camouflé parmi les algues.
Au cours de mes 12 années d’expérience en plongée à travers le monde, je n’avais jamais plongé avec un seul poisson. C'est l'équivalent de marcher dans une forêt mais de ne voir qu'un seul arbre. Ou observer le dernier bison solitaire dans les grandes plaines. L’Atlantique Nord assiste à la fin biologique d’une époque.
Ne vous méprenez pas. Il existe une certaine saisonnalité en ce qui concerne les populations de poissons ou de homards. Mais j'ai plongé dans d'autres régions de l'Atlantique Nord et de l'océan Arctique. Même dans les ports de pêche norvégiens traditionnels, j'ai vu des milliers de lieux jaunes, de morues et d'aiglefin de plus que ce que j'ai vu ce jour-là dans le golfe du Maine. C'est l'océan. Il devrait y avoir beaucoup d'autres poissons dans la mer.
Durant mes journées passées à collecter des données sur la pêche pour le Administration nationale océanique et atmosphérique (NOAA), il était facile de se perdre dans les chiffres. Les captures que je voyais débarquer se transformaient en fiches techniques à classer dans un bureau gouvernemental éloigné. Il est facile d'oublier que ces millions de kilos de poissons figurant sur nos fiches techniques sont des événements réels, dans le monde réel.
Ils se traduisent par des océans vides. Et, pour un photographe sous-marin, cela se traduit par un manque de photo sujets.
Les stocks de morue de l’Atlantique Nord pourraient être une cause perdue. Après tout, ils constituent une étude de cas de ce que les scientifiques appellent le « vortex d’extinction ». Mais peut-être que ces photos peuvent nous rappeler ce qui se joue dans le reste du monde si nous ne regardons pas de près nos pratiques de pêche industrielle. Alors jetez un œil à ces photos vides. Ils rappellent ce qui était et ce qui peut être.
Il y a toujours quelque chose que vous pouvez faire
Voici quelques choses que j’ai apprises et qui peuvent empêcher le reste du monde de devenir le golfe du Maine :
- Nagez sans crème solaire. La crème solaire fait mal aux coraux
- Ramasser les ordures. Il y en a beaucoup
- Prendre une photo d'un poisson, mais pas trop
- Sachez d'où viennent vos fruits de mer. Achetez auprès de pêcheries durables. Utilisez le site de la Marine Conservation Society Guide du bon poisson
- Mangez des coquillages bivalves d’élevage. C’est encore mieux pour l’environnement que de devenir végétarien. Il suffit de demander Ray Hilborn
- Mangez des poissons-appâts, comme des sardines et des anchois. C'est meilleur pour l'environnement que de manger d'autres poissons
- Ne mange pas de requin-ailette soupe
- Récoltez autant que vous en avez besoin (dans les limites légales) mais pas plus
- Essayez de rester loin du fond lorsque vous plongez. Utilisez un doigt sur un rocher pour plus de stabilité
- Plongez localement autant que possible
- Soutenir les récifs artificiels tels que les épaves
- Éloignez les animaux des bassins de marée (vous seriez surpris de ce qu'ils peuvent manger)
- Sortez à la plage. Plus il y a de monde, plus les gens s'en soucient
Cet article a été publié dans Guide de photographie sous-marine
Photographe sous-marin et scientifique halieutique Nirupam Nigam a grandi à Los Angeles et a commencé la plongée dans les îles anglo-normandes. Il travaille comme observateur des pêches sur des bateaux dans la mer de Béring et dans le Pacifique Nord et, lorsqu'il n'est pas en mer, voyage avec sa fiancée pour prendre des photos. Son site Internet est Photos De La Mer.
